"Rendre à Cambacérès ce qui appartient à Cambacérès"
A
- B - C
Acte de
déchéance de l'Empereur
(02/04/1814)
Le 2 avril 1814, le Sénat conservateur sous l'impulsion de
Talleyrand (chef du gouvernement provisoire depuis la veille) et de son président
Barthélémy vote la déchéance de l'Empereur. Selon de nombreux biographes, Cambacérès
se rallie à deux reprises à l'acte de déchéance voté par le Sénat : une première
fois le 07/04/1814 et une seconde fois le 09/04/1814.
Dans les faits, c'est le cardinal Etienne-Hubert de Cambacérès qui le 7 avril apporte
son soutien à l'acte de déchéance de l'Empereur. Le 10 avril, Jean-Jacques Régis
adresse à Talleyrand sa pleine adhésion "à tous les actes faits par le Sénat
depuis le 1er avril courant ainsi qu'aux dispositions qui sont à la suite de ses
actes." De nombreux sénateurs attendent la réponse de Cambacérès pour se
prononcer, la lettre fut donc antidatée au 9 avril et immédiatement insérée dans
l'édition du Moniteur du 12/04/1814.
Adresse aux Français (09/10/1794)
Le lendemain de son
élection à la présidence de la Convention, Cambacérès rédige l'Adresse aux
Français, véritable profession de foi de la République thermidorienne :
"Français, au milieu des vos triomphes, l'on médite votre perte. Quelques hommes
pervers voudraient creuser au sein de la France le tombeau de la liberté . Les héritiers
des crimes de Robespierre et tous les conspirateurs que vous avez terrassés s'agitent.
( ) Fuyez ceux qui parlent sans cesse de sang et d'échafaud, ces patriotes
exclusifs, ces hommes outrés, ces hommes enrichis par la Révolution qui redoutent
l'action de la justice et qui comptent trouver leur salut dans la confusion et l'anarchie.
Estimez, recherchez ces hommes laborieux et modestes, ces êtres bons et purs qui fuient
les places et qui pratiquent sans ostentation les vertus républicaines. Le temps est venu
de vaincre par la fermeté et la sagesse. Il faut que le calme succède enfin à tous les
orages. Le vaisseau de la République tant de fois battu par la tempête touche au rivage,
gardez-vous de le repousser au milieu des écueils."
Archichancelier de
l'Empire
La constitution de l'an
XII (1804) fixe les fonctions du Prince-Archichancelier :
Titre V: Des grandes dignités de l'Empire
Art 32 : Les grandes dignités de l'Empire
sont celles de grand électeur, d'archichancelier de l'Empire, d'archichancelier d'Etat,
d'architrésorier, de connétable, de grand amiral.
Art 33 : Les titulaires des grandes
dignités de l'Empire sont nommés par l'Empereur. Ils jouissent des mêmes honneurs que
les princes français, et prennent rang immédiatement après eux. L'époque de leur
réception détermine le rang qu'ils occupent respectivement.
Art 34 : Les grandes dignités de l'Empire
sont inamovibles.
Art 35 : Les titulaires des grandes
dignités de l'Empire sont sénateurs et conseillers d'Etat.
Art 36 : Ils forment le grand conseil de
l'Empereur. Ils sont membres du conseil privé. Ils composent le grand conseil de la
Légion d'honneur.
Art 40 : L'archichancelier de l'Empire
fait les fonctions de chancelier pour la promulgation des senatus-consulte organiques et
des lois. Il fait également celles de chancelier du palais impérial. Il est présent au
travail annuel dans lequel le grand juge ministre de la Justice rend compte à l'Empereur
des abus qui peuvent s'être introduit dans l'administration de la justice, soit civile,
soit criminelle. Il préside la haute cour impériale. Il préside les sections réunies
du Conseil d'Etat et du Tribunat, conformément à l'article 95, titre XI. Il est présent
à la célébration des mariages et à la naissance des princes, au couronnement et aux
obsèques de l'Empereur. Il signe le procès-verbal que dresse le secrétaire d'Etat. Il
présente les titulaires des grandes dignités de l'Empire, les ministres et le
secrétaire d'Etat, les grands officiers civils de la couronne, le premier président de
la Cour de cassation, au serment qu'ils prêtent entre les mains de l'Empereur. Ils
reçoit le serment des membres et du parquet de la cour de cassation, des présidents et
procureurs généraux des cours d'appel et des cours criminelles. Il présente les
députations solennelles et les membres des cours de justice admis à l'audience de
l'Empereur. Il signe et scelle les commissions et brevets des membres des cours de justice
et officiers ministériels; il scelle les commissions et brevets des fonctions civiles
administratives, et les autres actes qui seront désignés dans le règlement portant
organisation du sceau.
Art 45 : Chaque titulaire des grandes
dignités de l'Empire préside un collège électoral de département. (...) Le collège
électoral séant à Bordeaux est présidé par l'archichancelier de l'Empire. ( )
Art 46 : Chaque titulaire des grandes
dignités de l'Empire reçoit annuellement, à titre de traitement fixe, le tiers de la
somme affectée aux princes, conformément au décret du 21 décembre 1790.
D
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Empire héréditaire
(18/05/1804)
Républicain
convaincu, Cambacérès désapprouve le principe d'une monarchie héréditaire. Ce soir de
mars 1804, il confie ses sentiments à Lebrun : "Bonaparte qui ne
sera plus retenu par les formes de la république se prendra pour Louis XIV, et la France
a fait une Révolution contre cela. (...) Nous avons fait la guerre à l' Europe (...) et
nous la ferons maintenant pour lui donner des monarques fils ou frères du nôtre,et la
France succombera à ces folles entreprises. Et puis, Lebrun, vous savez bien qui si un
trône est restauré, les partisans des Bourbons trouveront le chemin plus facile
pour y porter leur prétendant. Quelle grave erreur!".
La commission législative chargée de rédiger la nouvelle constitution se met en place :
y siègent les consuls, les ministres et quelques sénateurs comme Tronchet et Roederer.
Très vite, Cambacérès qui argumente contre le principe monarchique, se heurte à
Bonaparte. Celui-ci, flatté par Talleyrand et Fouché, met Cambacérès à l'écart des
discussions ; la tension montre entre les deux hommes. Le 15 mai, Cambacérès argumente
contre l'hérédité : "Qu'il n'y ait pas cette institution stupide, anachronique
et destructrice, qui confie le pouvoir à celui qui par hasard est né le premier"
puis il démissionne de ses fonctions de Second Consul.
Le lendemain, Bonaparte convoque Cambacérès à Saint-Cloud pour essayer de le
faire changer d'avis. Il lui propose le poste d'Archichancelier
(poste créé sur les conseils de Talleyrand qui le convoitait). Cambacérès accepte et
pour couper court aux rumeurs de dissensions entre les deux hommes, c'est Cambacérès,
président du Sénat qui proclame l'Empire le 18 mai à Saint-Cloud.
Fête des Victoires
(21/10/1794)
Manifestation
organisée sur le Champ de Mars pour célébrer la libération complète du territoire de
la République. Cambacérès, président de la Convention, prononce un discours, où il
rappelle le jour "où un conspirateur hypocrite vint étaler l'appareil fastueux
de la tyrannie, et brûler, en l'honneur de la Divinité, un encens qu'en secret il
réservait pour lui". Quelques mois se sont écoulés, "et voici que le
peuple et ses représentants, rassemblés dans cette même enceinte, viennent y proclamer
la liberté et la défaite des despotes coalisés contre elle". Il parle de
l'époque où les Français, au sein de l'abondance et du bonheur, diraient à leur
enfants : "O vous ont les regards n'ont jamais été souillé par l'aspect d'un
trône, apprenez qu'il fut des temps où vos pères courbèrent la tête sous la verge
d'un tyran ; apprenez les combats par lesquels ils surent conquérir la République".
Et il exhorte la génération future à "conserver avec soin le précieux
héritage de la liberté", et à "songer que toujours on chercherait à
lui ravir ce dépôt sacré".
G
- H - I
J
- K - L
Levées de conscrits
La reprise de la guerre
en 1805 oblige la levée rapide d'une armée. Le Corps législatif n'étant pas en
session, la conscription ne peut pas suivre la voie légale, l'Empereur demande donc un
vote du Sénat qui par un senatus-consulte autorise la levée de 80.000 hommes. La
relative docilité du Sénat habilement manuvré par Cambacérès amène Napoléon
à utiliser la voie sénatoriale à chacun de ses besoins de troupes.
Levées de conscrits
par senatus-consulte sous l'Empire:
An XIII
An XIV
1807
1808
1809
80.000
80.000
160.000
160.000
76.000
1810
1811
1812
1813
1814
160.000
120.000
350.000
790.000
0
En quinze années de
pouvoir, Napoléon lève environ 2 millions d'hommes (soit 36% des mobilisables ou 7% de
la population française). La forte hausse des levées dans les dernières années du
règne fait naître la légende de l'ogre et rend le régime impopulaire. Le Sénat tente
de faire de la résistance en 1814 mais discrédité par des années de docilité, il perd
tout assise populaire.
Cambacérès apparaît en première ligne : pour l'opinion publique il est responsable des
multiples levées de conscrits. Véritable point noir de sa carrière politique : la
conscription est la cause de l'impopularité de Cambacérès.
M
- N - O
Opposition à Napoléon
Contrairement aux autres ministres et conseillers,
Cambacérès fait part à de nombreuses occasions de son désaccord à
Napoléon. Si cela se passe souvent en privé, nous connaissons certaines
circonstances. Sous le Consulat, Cambacérès s'oppose sans succès aux
arrestations du général Moreau et du duc d'Enghien. Il suggère de signer
un traité de commerce avec l'Angleterre pour consolider la Paix
d'Amiens, mais Napoléon préfère mettre en place le Blocus continental…
Il s’oppose également à la mise en place de l'Empire
héréditaire.
Sous l'Empire, il n'est pas consulté en 1808 quand
Napoléon envahit l'Espagne sur les conseils de Talleyrand. Cambacérès
découvre l'ampleur du désastre espagnol lors des longs intérims des
années suivantes. En 1810, il désapprouve le divorce avec Joséphine,
expliquant qu'elle est très aimée des Français. Fort de ses liens
maçonniques avec certains membres de la famille Romanov et le prince
Kourakine,
Cambacérès travaille à vaincre les dernières réticences du tsar
Alexandre Ier. Il combat le mariage autrichien en argumentant
que contrairement aux Romanov, les Habsbourg n'ont jamais respecté les
alliances par mariage.
Son principal succès est la sauvegarde du régime
parlementaire, ce qui empêche le retour de la monarchie absolue à la
Restauration. En octobre 1809, Napoléon a pris la décision de supprimer
le Corps législatif et de voter les lois lui-même. Cambacérès, très
attaché aux idées de la Révolution, ne va jamais traiter ce dossier. En
1812, Napoléon, excédé par les lenteurs de Cambacérès, menace de
modifier la Constitution de façon à pouvoir passer outre
l'Archichancelier de l'Empire sur ce dossier. Cambacérès réussit encore
à gagner du temps jusqu'en décembre 1813. Cambacérès cesse ses fonctions
politiques au début de l'année 1814 après l'ajournement du Corps
législatif.
La caricature ci-contre date de 1814. Elle illustre le
combat de 4 années entre Napoléon et Cambacérès pour le décret
d'ajournement du Corps législatif. Elle s'inspire des Lutteurs : une
statue antique conservée au Musée des Offices à Florence.
P
- Q - R - S
Police privée
Comme Fouché ou Talleyrand, Cambacérès dispose de son
propre réseau d'informateurs. Il nomme chef de sa police secrète un certain Guilly,
ancien attaché à la police de sûreté du Directoire. Guilly est décrit comme "un
grand brun, un peu voûté et privé d'un il par suite d'un combat de pistolet"
(Préfecture de Police, rapport du 08/06/1802). Un soir dans un café
parisien, un nommé Vivier dit qu'il est l'agent du deuxième Consul et qu'il attend une
mission en province (Préfecture de Police, rapport du 12/08/1801).
On connaît peu de choses sur la police privée. S'il est de notoriété publique que les
agents de Cambacérès sont bien payés, il n'en existe aucune trace dans les cahiers de
raison et les registres de dépenses. En 1802, Bonaparte demande au commissaire
Dossonville un rapport détaillé sur les activités de la police secrète de
Cambacérès. A peine rédigé, ce document disparaît des archives de la Préfecture de
Police.
Second Consul
La constitution de l'an VIII (1800) fixe les fonctions du second
consul :
Titre II :
Du Sénat conservateur
Art 24 : Les citoyens Sieyès et Roger-Ducos,
consuls sortants, sont nommés membres du Sénat conservateur : ils se réuniront avec le
second et le troisième consul nommés par la présente Constitution. Ces quatre citoyens
nomment la majorité du Sénat, qui se complète ensuite lui-même, et procède aux
élections qui lui sont confiés.
Titre IV : Du Gouvernement
Art 39 : Le gouvernement est confié à
trois consuls nommés pour dix ans et indéfiniment rééligibles. Chacun d'eux est élu
individuellement, avec la qualité distincte de premier, ou de second, ou de troisième
consul. La Constitution nomme Premier consul le citoyen Bonaparte, ex-consul
provisoire; second consul, le citoyen Cambacérès, ex-ministre de la justice; et
troisième consul le citoyen Lebrun,ex-membre de la commission du Conseil des Anciens. Pour cette fois le troisième
consul n'est nommé que pour cinq ans.
Art 40 : Le Premier consul a des fonctions
particulières et des attributions particulières , dans lesquelles il est momentanément
suppléé, quand il y a lieu, par un des ses collègues.
Art 41 : Le Premier consul promulgue les
lois; il nomme et révoque à volonté les membres du conseil d'Etat, les ministres, les
ambassadeurs et autres agents extérieurs en chef, les officiers de l'armée de terre et
de mer, les membres des administrations locales et les commissions du gouvernement près
les tribunaux. Il nomme tous les juges criminels et civils autres que les juges de paix et
les juges de cassation, sans pouvoir les révoquer.
Art 42 : Dans les autres actes du
gouvernement, le second et le troisième consul ont voix consultative : il signent le
registre de ces actes pour constater leur présence; et s'ils le veulent, ils y consignent
leurs opinions; après quoi la décision du Premier consul suffit.
Art 43 : Le traitement du Premier consul
sera de cinq cent mille francs en l'an VIII. Le traitement de chacun des deux autres
consuls est égal aux trois dixièmes de celui du premier.
T
- U - V
Translation des cendres de Rousseau au Panthéon
(11/10/1794)
Le 9 octobre, le
cercueil quitte l'île des Peupliers à Ermenonville pour être déposé dans le Jardin
national à Paris. Le 11 octobre, Cambacérès, président de la Convention, prononce un
discours au Panthéon : "Moraliste profond, apôtre de la liberté, Rousseau a été le précurseur qui a
appelé la nation dans les routes de la gloire et du bonheur ... Au premier regard qu'il
jeta sur le genre humain, il vit les peuples à genoux, courbés sous les sceptres et les
couronnes ; il osa prononcer les mots d'égalité et de liberté! Ces mots ont retenti
dans tous les curs, et les peuples se sont levés. ( ) Il a le
premier prédit la chute des empires et des monarchies : il a dit que l'Europe avait
vieilli, et que ces grands corps, près de se heurter, allaient s'écrouler comme ces
monts antiques qui s'affaissent sous le poids des siècles. ( ) Rousseau
a vécu dans la pauvreté, et son exemple nous apprend qu'il n'appartient point à la
fortune ni de donner ni de ravir la véritable grandeur. ( ) Sa vie
sera une époque dans les fastes de la vertu ; et ce jour, ces honneurs, cette apothéose,
ce concours de tout un peuple, cette pompe triomphale, tout annonce que la Convention
nationale veut acquitter à la fois, envers le philosophe de la nature, et la dette des
Français, et la reconnaissance de l'humanité".